C’est la seconde saison pour moi (2017/2018) avec l’équipe de Corée du Sud de snowboard alpin. Cinq athlètes et des membres du staff technique. Un véritable plaisir tant il est vrai qu’ils sont tous sympathiques et que j’aime relever les défis! Et les défis sont multiples !
Et les défis ne manquent pas. Il y a un travail constant pour soutenir cette « dream team » qui encaissent, sans se plaindre et je tiens à le préciser de suite, la fatigue des entraînements intenses, les douleurs liées aux chutes et différents traumatismes inhérent au sport, les conditions climatiques souvent extrêmes des glaciers, le choc des variations de pression atmosphérique avec les aller-retour entre le sommet et la vallée, la déstabilisation du jetlag à chaque voyage longue distance (et il y en aura : 10 pays en quatre mois l’an dernier!), les changements de régimes alimentaires selon le pays d’accueil (malgré nos recommandations et les efforts de nos hôtes), et les erreurs alimentaires majeures des ces jeunes (les nombreus conseils n’y changent rien), la pression psychologique auto-infligée devant la demande de résultats aux jeux Olympiques à venir dans leur propre pays, l’éloignement de leurs proches pendant des mois et du soutient affectif nécessaire à leur jeune âge et la promiscuité d’une équipe dans le confinement d’une vie d’hôtels…
conditions climatiques plutôt rudes !
Fort heureusement, dans la colonne des actifs, ces coréens ont pour eux une motivation sans faille et le soutien de tous leurs proches et d’une nation entière, l’encadrement d’une équipe technique attentive et compétente, l’énergie et la condition physique de la jeunesse nourrie de rêves intacts et d’espoirs de victoires à leur portée, une amitié sincère qui cimente le groupe avec une grande générosité, non seulement autour de leur drapeau mais également du mien!
Les soins quotidiens assurent l’équilibre des forces, passant en revue le caractère des pouls radiaux et la forme et couleur de la langue, comme il se doit en médecine chinoise. Il y a évidemment un travail conséquent sur la structure pour équilibrer le bassin et l’axe de la colonne vertébrale, mis à mal par cette discipline asymétrique, et redonner aux lignes de gravités un schéma cohérent. Ma première formation en ostéopathie rejoint la seconde en médecine chinoise : si la structure gouverne la fonction, » l’énergie » créer la structure. Ainsi le Yang rejoint le Yin pour se nourrir et se contrôler mutuellement!
Voici pour ce qui concerne la technique: ostéopathie structurelle, fonctionnelle, fluidique, crânienne en soutien de l’acupuncture, moxibustion, ventouses et massages. Pour des raisons logistiques, (déplacements fréquents et temps trop réduit au même endroit pour être livré) je n’utilise pas la pharmacopée, ce qui est un sévère inconvénient ! Les détecteurs de fumée dans les hôtels m’obligent à utiliser des moxa japonais (sans fumée et sans odeur). La chaleur et l’effet de ces moxa japonais (charbon) diffèrent vraiment de l’armoise.
Le corps et l’énergie sont sous bonne surveillance. L’esprit l’est plus encore ! Et connaître les forces et faiblesses de chacun me permet d’adapter mon approche ainsi que mon discours en fonction de la psychologie de chacun.
Le thérapeute n’est-il pas le référent en médecine chinoise ? Ceci explique l’investissement que demande une telle discipline. Qui parlait de l’éloge de la saveur insipide, (saveur qui peut se transformer en toutes les autres : piquante, acide, amère, salée) ? Saveur qui doit être adoptée par le thérapeute à l’écoute. Loin d’avoir une connotation péjorative comme dans la culture occidentale, elle est une valeur appréciée en Chine. Combien de fois m’est-il arrivé, en cabinet, de dire à un patient qui était trop timide, de rentrer en prenant ses aises et de se sentir chez lui, alors qu’à un autre qui me dictait quoi faire pour le soulager lui demander de respecter ma fonction et lieu de travail en me laissant faire ?
Toutes ces informations perçues lors de l’examen clinique au service de l’établissement d’un diagnostic créent cette intimité artificielle avec le patient en cabinet. Le thérapeute a une heure pour en savoir le plus possible sur son patient. La couleur et l’éclat de la peau, sa texture et ses cicatrices, l’examen des cheveux et des ongles, la lecture des yeux et de l’iris, le langage corporel dans la posture et la façon de se déplacer, le discours verbal dans son débit, son timbre, sa cohérence et sa force, le comportement confiant ou timide sont autant d’indices que les doléances énoncées au cours de l’anamnèse. Mais qu’il est difficile de passer en revue toutes ces informations avec des patients que l’on voit tous les jours. Je plaisante parfois avec l’un ou l’autre des athlètes en lui demandant : « je t’ai déjà vu toi ? » et de m’entendre répondre avec une douce gêne dans le ton de la voix « non, c’était hier… » Mon travail personnel se situe là, dans cette discipline que je dois m’imposer et qui me fait souvent défaut quand trop confiant dans mon expérience ou mon intuition, je manque de rigueur. L’autre difficulté survient quand mon intuition m’indique que l’information n’est pas complète, que l’on ne me dit pas tout. Il arrive encore après deux années passées ensembles, que ces jeunes coréens soient pudiques au point de ne pas me répondre aux questions médicales car jugées trop intimes. La différence de culture et la barrière linguistique sont des paramètres limitants.
Ce qui est grisant lorsqu’on travail avec une équipe, c’est le sentiment d’appartenir à une famille qui partage avec vous le mérite de ses victoires. J’ai eu le plaisir de goûter à cette générosité l’an passée lorsqu’ils ont littéralement tout raflé et enchaîné les podiums! Et c’était savoureux de partager cette joie éphémère.
Souhaitons leur une heureuse saison et de glorieux Jeux Olympiques !