Son attitude est complètement neutre, comme son visage qui ne montre aucune émotion…
Le décor prend le dessus sur le corps de l’artiste qui disparaît dans l’image. Il s’agit de l’atelier de Liu Bolin, qui se situait dans la banlieue de Pékin, et qui a été détruit lorsqu’on eu lieu les importants travaux de préparation aux JO de 2008.
Liu Bolin s’est alors retrouvé, comme d’autres artistes résidant dans le quartier, privé de son espace de création, d’expression. Il a présenté ces photographies en 2006 mais la police a fermé l’exposition. C’est là qu’a commencé la série photographique « Hiding in the city », l’endroit où Liu Bolin a fait sa première performance.
Liu Bolin naît en Chine à la fin de la Grande Révolution Culturelle Chine (1966-1976) : durant cette période, la pensée de Mao domine: opposition éliminée, culte autour de la personne de Mao intensifié, embourgeoisement réprimé, jeunes et intellectuels déportés dans les campagnes et rééduqués, individus contestant le pouvoir et le Petit Livre rouge (citations et pensée de Mao) exterminés.
Le 9 septembre 1976, Mao Tse Tung décède. En octobre 1976, quatre dirigeants maoïstes sont arrêtés et Hua Guojeng est élu président du parti communiste chinois. Les jeunes et les intellectuels reviennent en ville.
Après la Révolution Culturelle, la vie politique redevient stable, la Chine vit une forte croissance économique, ce qui entraîne une transformation de la société et des paysages. Depuis les années 1990- 2000, cette croissance est de plus en plus rapide et aujourd’hui, la Chine est la seconde puissance économique mondiale. En 2001, Pékin est désigné pour accueillir les Jeux Olympiques de 2008. C’est l’occasion pour la Chine de montrer à la population et au monde entier qu’elle fait désormais partie des plus grandes puissances mondiales. De très grands travaux sont mis en œuvre dans la capitale pour mettre en avant l’économie, la nation, et le sport chinois : un nouveau centre économique, 150 kms de tram, deux nouveaux boulevards périphériques, une voie express, des autoroutes… Des quartiers sont détruits et leurs habitants sont expulsés.
Liu Bolin prend alors conscience du peu de valeur accordé à son existence, et utilise alors on corps comme moyen d’expression. Il est marqué par l’injustice dont il est victime. Face à la violence qu’il ressent en voyant disparaître SuoJia, frustré par l’absence de lieu de création. il fait le choix pour montrer son désaccord, de riposter en disparaissant du décor.
Paradoxe : il parait très calme et neutre dans l’image. C’est justement sa disparition et son immobilisme qui renforcent l’aspect contestataire de sa démarche. Il dénonce : sa condition d’artiste chinois frustré par l’absence de lieu de création : son travail parle de sa lutte pour vivre et se son combat pour s’exprimer.
Attention : son but n’est pas de disparaître, mais de montrer les effets du développement économique et urbain sur les individus, une emprise silencieuse. « Je ne voulais pas me fondre dans le paysage, mais au contraire, c’est l’environnement qui m’a envahi. »
On dirait qu’il n’a pas de personnalité, comme s’il n’était qu’un corps vide, un caméléon qui se camoufle et se fond dans son environnement. Le décor s’empare du corps de l’artiste qui disparaît.
Liu Bolin appartient à la génération des artistes du XXIème siècle et donc au courant de l’art contemporain (actuel, présent). Il pratique l’art de la performance. (1)
(1) le terme de « performance » provient de l’anglais « to perform » qui signifie « interpréter ». La performance artistique se comprend donc comme une manière particulière de (se) mettre en scène. Il s’agit d’un ensemble d’activités artistiques se tenant devant un public et pouvant faire intervenir le corps de l’artiste, le son, la danse ou encore la vidéo. L’auteur de performances est un performer. Les performances sont souvent éphémères et leur durée peut varier. Elles sont connues et diffusées grâce à des traces qui en témoignent comme des photographies, films, vidéo… Attention : une performance n’a pas forcément pour but d’être enregistrée, ou de laisser une trace matérielle (tableau, sculpture, ou photo par exemple). On peut considérer que cette pratique a été initiée par les artistes du Japon appartenant au groupe Gutaï (« gu » : instrument ; « taï » : corps) créé au milieu des années 1950. L’action a pour eux un rôle déterminant dans la démarche créative : les préoccupations du groupe sont la gestualité et l’investissement physique de l’artiste. Les formes d’expression sont très variées et cela permet au groupe de ne pas être assimilé à style en particulier. La performance artistique a par la suite été pratiquée en Europe par des artistes tels que Joseph Beuys, Yoko Ono ou John Cage.