acupuncture, une médecine ancienne

La tradition chinoise a élaboré une riche pensée médicale, en cohérence avec sa philosophie. Négligeant l’anatomie, elle vise à préserver une harmonie globale liée à la circulation de l’énergie vitale qui anime l’univers. Cette démarche a fondé des savoirs souvent déroutants au regard de la science occidentale. Aujourd’hui, celle ci reconnaît la justesse de certaines observations.

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« Parmi les différentes ethnomédecines du globe, la Médecine Traditionnelle Chinoise occupe une place à part. Cette médecine a en effet conservé une remarquable continuité historique depuis la plus lointaine antiquité, qui fait aujourd’hui d’elle l’un des trésors du patrimoine culturel, scientifique et médical de l’humanité.

La médecine traditionnelle chinoise assure, depuis plus de 2500 ans, les soins de santé primaire du quart de l’humanité. Elle est en Chine une médecine d’état, disposant au même titre que la médecine moderne de son ministère, de ses universités, de ses hôpitaux et de ses unités de recherche. Elle forme, après la médecine occidentale, le système médical le plus développé au monde.

Si l’efficacité de cette médecine lui a permis de traverser les siècles, ses possibilités d’application sur le terrain l’ont également amenée à se développer hors de Chine, pour gagner progressivement tous les continents. En France, l’une des branches de cette médecine, l’acupuncture, est pratiquée depuis le XVIIIe siècle.

Contemporaine de la médecine d’Hippocrate, la médecine traditionnelle chinoise est universelle, naturaliste et humaniste. Elle permet de comprendre et de traiter les maladies par des moyens simples, naturels, efficaces et non iatrogènes. Elle repose sur des méthodes diagnostiques et thérapeutiques qui lui sont propres, et qui se suffisent à elles-mêmes dans le champ thérapeutique qui est le sien.

Transmise de maître à élève pendant de nombreuses générations, interdite pendant la révolution culturelle (il s’agit à l’origine d’une médecine impériale), puis rétablie et enseignée sous forme universitaire en Chine, la MTC (médecine traditionnelle chinoise) fait aujourd’hui l’objet d’approches différentes. L’ouverture de la Chine à l’Occident et la transplantation de sa médecine traditionnelle dans d’autres pays, favorisée par l’exil de nombreux médecins traditionnels au moment de la révolution culturelle, ont encore accentué ces différences, qui constituent une richesse autant qu’un danger. C’est pourquoi il importe de conserver intactes les racines millénaires de cette médecine, afin qu’elle puisse toujours demeurer une tradition vivante, capable de s’adapter sans se dénaturer. »

Patrick Shan, Cèdre, Collectif d’Etude de Développement et de Recherche en Ethnomédecine

 

LES ÉTAPES DE LA MÉDECINE CHINOISE

Considérations préalables…

…Et nuits blanches pour l’étudiant!

L’étude de la médecine chinoise est une étape indispensable de la formation du praticien. On peut facilement comprendre qu’un mathématicien, un chimiste ou un médecin occidental intéressent à l’histoire de leur science respective, mais l’absence d’érudition dans ce domaine ne constitue pas en elle même une cause d’incapacité. Le cas de la médecine chinoise est radicalement différent: la connaissance historique constitue un des fondements de la compétence pratique du médecin. Ceci découle du fait que la médecine chinoise est principalement définie pars des textes fondateurs, auxquels tous les praticiens et chercheurs se réfèrent encore aujourd’hui, et par un très grand nombre d’ouvrages classiques rédigés au cours de deux millénaires qui confèrent à cette discipline une structure théorique très élaborée de “médecine savante”. Cette qualification n’est pas un jugement de valeur mais une convention de langage destinée à définir un système médical fondé sur un corpus écrit qui, dans le cas de la médecine chinoise, est particulièrement volumineux puisqu’on recense près de 10 000 ouvrages médicaux, sur une période de plus de 2000 ans. A cette abondance de source écrite s’ajoute un autre facteur: l’absence de véritables ruptures épistémologiques, de révolution scientifique de la médecine, comme nous en connaissons dans l’histoire de la médecine européenne.

La médecine chinoise n’est cependant pas un système monolithique, dénué de toute évolution au cours des siècles, mais les apports et ajustements successifs se sont opérés d’une façon apparemment plus fluide en Chine qu’en Occident. A tel point que, aujourd’hui encore, au sein d’un cours de faculté de médecine chinoise, il arrive qu’on fasse conjointement référence à un traité antique et à une publication contemporaine. Comme le corpus savant en usage s’est compilé dans la longue durée, à la différence de la médecine occidentale qui s’est débarrassé de pans entiers de connaissances jugées obsolètes, le médecin chinois doit très bien connaître l’histoire de sa discipline, les auteurs et les textes dont sont issus chaque principe de traitement, chaque formule de pharmacopée, et de l’ensemble des filiations, lignées et écoles classiques qui constituent la source et la trame du savoir qu’il applique. C’est seulement à cette condition, qu’il peut adapter, relativiser, comparer les options de traitements issues de cette tradition.

Par exemple, savoir qu’une prescription ancienne comportait tel ingrédient uniquement à cause d’un contexte géographique, climatique, religieux, politique ou économique, est indispensable pour en maîtriser l’usage, en comprendre les éventuelles variations élaborées au cours des siècles et en déterminer, en conséquence, l’usage contemporain.

Les sources…

..et déjà un casse tête chinois!

A la différence de l’Europe, la Chine n’a conserver que très peu de manuscrits et la plupart de ceux que nous connaissons aujourd’hui sont issus de fouilles archéologiques remontant aux cent dernières années. Les travaux archéologiques menés en Chine ont permis une avancée considérable dans la connaissance de la médecine antique. L’évènement le plus marquant des récentes décennies est sans doute la découverte de MAWANGDUI, site archéologique signalé par deux tumuli en forme de selle (MAWANG est une corruption de MA’AN [selle], situé à WULLIBEI, à quelques kilomètres à l’est de CHANGSHA, dans la province de HUNAN. Le début des fouilles date de 1972. Trois tombeaux (env.190 – 168 av. J.C.) datant des HAN Occidentaux sont ouverts. La tombe n°1 contient la momie, en excellent état de conservation, de la marquise de DAI, décédée entre -168 et -145 et reposant, enveloppée de 20 épaisseurs de tissu fixés par neuf ceintures, dans une chambre funéraire en bois placée dans quatre cercueils emboités et entourés de compartiments pour le mobilier. La tombe n°2 est celle de LI CANG, marquis de SAI, gouverneur de la région de CHANGSHA sous le règne de GAO ZU (206 – 195 av J.-C.) qui fut l’empereur fondateur de la dynastie des HAN. Mais c’est surtout la tombe n°3 qui s’avère le plus interressant pour les sources écrites. Celui-ci, appartenent à l’un des fils de LI CANG, est date de 168 av J.-C. Les archéologues chinois y découvrent une bibliothèque composée de plusieurs dizaines de manuscrits sur rouleaux de soie et sur tablettes de bambou. (cf.MAWANGDUI HANMU BOSHU (livres sur soie de la tombe HAN de MAWANGDUI) t.IV, BEIJING, WENWU CHUBANSHE, 1985; MAWANGDUI YISHU KAOZHU, Annalyse et commentaires des livres médicaux de MAWANGDUI, TIANJIN, TIANJIN JISHU CHUBANSHE, 1988.) Il contient, notamment, cinq longs rouleaux de soie contenant, en tout, quatre textes. L’ensemble est donc constitué de sept manuscrits médicaux regroupant 14 textes distincts. (pour une description plus précise de ces manuscrits, cf D. HARPER, EARLY CHINESE MEDICAL LITERATURE – THE MAWANGDUI MANUSCRIPTS, LONDON, NEW YORK, KEGAN PAUL INTERNATIONAL, 1997.)

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Une autre découverte archéologique survient une dizaine d’année plus tard. Entre décembre 1983 et janvier 1984, des archéologues chinois du musée de JINGZHOU ( province du HUBEI) fouillent des tombes au lieu dit ZHANGJIASHAN, et exhument une importante collection de manuscrits sur tablettes de bambou, (cf “JIANGLING ZHANGJIASHAN HANJIAN MAISHU SHIWEN Explications sur les livres des vaisseaux sur tablettes de bambou des Han de JIANGLING ZHANGJIASHAN”, JIANGLING ZHANGJIASHAN HANJIAN ZHENGLI XIAOZU, WENWU, 7, 1989, P72-75.) notamment dans le tombeau M247 dont la datation est de 186 av J.-C., au plus tôt, de 179 av J.-C., au plus tard, c’est à dire antérieure de dix à vingt ans au tombeau n°3 de MAWANGDUI.

Du sexe encore et encore…Vous vous demandiez pourquoi ils étaient si nombreux?

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Les textes de cette époque portent sur différents aspects de la médecine, avec une importance prépondérante pour les pratiques du FANGZHONGSHU (Art de la chambre à coucher, il s’agit d’un ensemble assez vaste de pratiques permettant d’utiliser la sexualité à des fins de préservation de la santé et d’entretient de la vie) et surtout pour tout ce qui concerne la médecine des vaisseaux. Le concept de MAI apparaît comme un des principaux éléments de la pensée médicale de cette époque, tandis qu’aucune référence n’est encore faite à la théorie des ZANGFU (organes et entrailles). (ces distinctions dans la théorie médicale seront détaillées et expliquées plus avant)

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Invention de l’imprimerie en Chine avant l’Europe…(avec entre autres l’Astronomie, la boussole, la physique, l’agriculture, les constructions navales les expéditions maritimes et l’art de la guerre. Et la poudre évidemment!)

Une autre collection importante de manuscrits, plus tardifs ceux là, provient de l’expédition de Paul Pelliot (1878-1945), de 1906 à 1908, qui découvrit un nombre considérable de documents chinois contenus dans une grotte à DUNHUANG (province du GANSU). Certains sont aujourd’hui conservés à la bibliothèque nationale de France. Cependant, en dehors de ces collections issues de l’archéologie, les manuscrits chinois anciens sont rares. Ceci provient du fait que les chinois, ayant connu divers procédés d’imprimerie et les ayant employés bien avant les européens, n’ont pas été obligés d’avoir recours, aussi longtemps que ceux là, au procédé de la copie manuelle. Des le VIIIè siècle, la xylographie permet de reproduire textes et images pour permettre la diffusion. La plupart des sources médicales que nous connaissons ont donc été transmises sous forme d’imprimés. En revanche, pour les périodes plus anciennes, un grand nombre d’écrits que nous connaissons par des références ou des citations ont été perdus. Les documents qui font office de sources primaires sont des éditions contemporaines qui reproduisent en fac-similé une version de référence ancienne typographique moderne. Les sources secondaires sont notamment constituées des commentaires et de toute la glose qui entoure les grand traités. Cependant, aucun des textes fondateurs qui représentent les racines de la médecine chinoise n’est parvenu jusqu’à nous dans sa forme première mais généralement en passant par de multiples compilations et réorganisations, certaines parties ont été perdues, parfois remplacées ou retrouvées à partir de sources différentes; ainsi, au cours des siècles, les médecins ont pris l’habitude, comme il était difficile de discerner les sources primaires des sources secondaires, de regrouper ce qui relevait d’un même corpus, en discernant les commentaires lorsqu’ils étaient identifiés et en regroupant, dans un même enseignement, des compilations issues de différentes époques. C’est ainsi que les plus importants textes fondateurs ne nous sont pas parvenus sous forme d’un livre mais d’un ensemble d’écrits similaires, organisés différemment et, auxquels s’ajoute une exégèse hétérogène de commentaires rédigés à différentes époques. C’est pour cette raison qu’il est impossible d’entreprendre une étude sur le fond d’un texte médical chinois à partir d’une traduction qui ne peut restituer la diversité des versions (d’autan que celles-ci présentent parfois des divergences voire des contradictions), le cas échéant, et surtout qui ne comprend pratiquement jamais l’étendue des commentaires indispensables au décodage du texte principal. Enfin, une grande quantité d’ouvrages ont été perdus ou détruits et ne sont connus qu’à travers d’autres écrits qui les citent, les décrivent ou en reproduisent des parties.

Des rats de bibliothèques! Saviez vous que le signe astrologique chinois du rat était très apprécié?

Les traités médicaux anciens sont parfois édités de façon séparée, titre par titre, mais beaucoup sont regroupés dans des ensembles qu’on peut décliner en trois catégories :

    • Les sommes médicales qui regroupent les écrits d’un même auteur, généralement appelées YIXUE QUANSHU (œuvres complètes de science médicale). Exemple : le JINGYUE QUANSHU (œuvre complète de JINGYUE), entièrement rédigé par ZHANG JINGYUE, publié en 1624, qui aborde divers aspects (théorie, diagnostic, médecine interne, etc.) de la médecine chinoise.
    • Les collections d’œuvres médicales diverses, appelées YIYAO CONGSHU (collections d’écrits médicaux et pharmacologiques), provenant de plusieurs auteurs, sur des sujets variés, qui sont simplement publiés ensembles. Exemple : le ZHONGGUO YIXUE DACHENG (Grand accomplissement de la médecine en Chine) publié sous la direction de CAO BINGZHANG en 1936 et comprenant 136 traités de différentes époques, classés par catégories et répartis en 50 volumes dans une édition récente.
    • Les compilations de textes divers classés par sujets, ou LEISHU (compilations d’écrits), véritables encyclopédies qui comprennent des citations d’œuvres classiques, des commentaires et des informations diverses, organisées par thème. Exemple : le GUJIN TUSHU JICHENG YIBU QUANLU (Oeuvre intégrale de documents et d’écrits éclectiques anciens et modernes relevant de la médecine), publié en 1726, réparti en 520 JUAN et compilé sous la direction de JIANG TINGXI, qui n’est que la partie médicale de la vaste encyclopédie GUJIN TUSHU JICHENG (Compilation intégrale de documents et d’écrits anciens et modernes), en dix mille rouleaux, de CHEN MENGLEI.
Une Tradition orale pour lien entre érudition et savoir pratique.

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Les sources de médecine chinoise ne sont pas seulement constituées de traités savants. Les biographies de médecins célèbres, rédigées à différentes époques, les notes prises « au fil du pinceau », faites d’anecdotes ou de réflexions personnelles, les complètent utilement. Enfin, il ne faut pas oublier l’importance de la transmission orale, d’autan plus que de nombreux aspects de la connaissance médicale ne sont guère transmissibles par l’écrit. L’enseignement de bouche à oreille apporte un éclairage indispensable pour compléter les assertions elliptiques des classiques et se frayer un chemin dans le labyrinthe des commentaires anciens, il permet de résoudre des incohérences et des contradictions apparentes ; il établit également le lien entre érudition et savoir pratique.

Origines légendaires

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De la médecine archaïque à la médecine savante

      1. Époque pré-impériale: XIA, SHANG et ZHOU

Il s’agit de la période comprenant les dynasties XIA (2207-17766 av.J.-C.), SHANG (1765-1122 av J.-C.), et ZHOU (1121 – 221 av J.-C.). On ne connaît pas grand chose de la façon dont était pratiquée la médecine sous les XIA car aucun texte aussi ancien n’a pu être conservé jusqu’à nos jours. L’existence même de cette dynastie a été contestée. Il y est fait référence, pour la première fois, dans le SHUJING (Classique des écrits), rédigé au cours du premier millénaire av.J.-C., soit environ mille ans après les XIA. Cependant, des fouilles archéologiques à ERLITOU (Province du HENAN) ont mis à jour des vestiges datés de 1900 à 1500 av.J.-C. qui pourraient, selon les historiens, provenir des XIA. Pour d’autres, cette dynastie relève de la légende.

On connaît davantage de choses sur les SHANG. Cette société pratiquait, notamment, la divination, le culte des rois défunts et les sacrifices humains. Des inscriptions gravées (notamment des inscriptions oraculaires sur os et sur carapaces de tortues (JIAGUWEN) utilisées dans la pratique de la pyromancie (divination par le feu). Cette pratique, datant de la période tardive des SHANG, consistait à opérer des incisions dans l’os ou la carapace et à les exposer au feu afin d’interpréter les craquelures produites par la chaleur) et des instruments chirurgicaux évoquent des interrogations sur la maladie et l’existence de pratiques médicales. En outre, la découverte, en 1973, sur le site de SHANG de TAIXI (Province de HEBEI) d’ingrédients de pharmacopée à base d’amandes de pêches et de prunes semble révéler l’existence d’une phytothérapie primitive (D. HOIZEY, Histoire de la médecine chinoise, Paris, 1988, page 29.).

Culte des ancêtres toujours d’actualité en Asie. 

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Cependant, il est difficile de connaître plus précisément les théories et les pratiques médicales des SHANG car les récits les plus anciens concernant cette époque proviennent d’auteurs de la dynastie suivante et l’influence politique qui a pu s’exercer sur leurs écrits impose une certaine prudence. Il semble que la médecine de cette époque soit déterminée par la croyance que les maladies proviennent d’une dysharmonie d’ordre spirituel, notamment le lien perturbé entre le patient et un ancêtre qui, bien que décédé, est considéré comme toujours présent, en tant qu’entité immatérielle, au sein de la communauté (P. Unschuld, Medecine in China, Historical Artifacts and Images, Munich, 2000, page 9.). Les guérisseurs de cette époque sont donc principalement concentrés sur la restauration des liens entre les vivants et les morts.

Chamanisme et catharsis…C’est qu’ils ne connaissaient pas « plus belle la vie » à cette époque!

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Sous les ZHOU, cette conception est supplantée par l’influence d’une sorte de démonologie. Les pathologies sont sencées provenir de la présence de GUI (démons, esprits maléfiques) qui s’attaquent au corps ou l’investissent et y résident tant qu’ils n’en sont pas chassés. A cette fin, à la fois des talismans aux propriétés magiques et des drogues, dont les propriétés étaient peut être connues empiriquement avant l’apparition de cette conception fondée sur la démonologie mais qui furent intégrées à l’arsenal de l’exorciste afin de chasser les GUI. L’usage primitif de l’acupuncture semble également très influencé par ces croyances. Les aiguilles sont utilisées pour traquer les GUI jusque dans leurs ultimes retranchements, dans les XUE (cavernes, trous), souvent localisés dans des creux ou dénivellations du corps humain. Le terme XUE servira à désigner les points d’acupuncture. Il est encore en usage de nos jours. À l’inverse, lorsqu’il fallait réveiller les SHEN (esprits vitaux) épuisés par la maladie, le recours au feu, par des cautérisations, permettait d’opérer la stimulation nécessaire. Plus tard, le couple d’opposés GUI et SHEN, exprimant respectivement la perversité de la maldie et la présence de la vitalité du corps sain, s’exprimeront dans la médecine savante sous la forme de la lutte entre XIEQI (énergie pathogène) et ZHENGQI (énergie saine). D’anciennes sources chinoises révèlent cette complémentarité entre magie et prescription de remèdes et cette coéxistence de médecine et de procédés ésotériques est persistante dans l’histoire de la médecine chinoise. Cependant, même si de grands traités médicaux recèlent encore des parties consacrées à l’exorcisme ou à la magie, ces pratiques sont peu représentatives dans les écrits durant la période impériale et font plutôt l’objet d’une litérature spécifique ou de pratiques populaires.

À l’époque des ZHOU de l’Ouest (1221 – 771 av J.-C.) succède celle des ZHOU de l’Est, avec deux périodes distinguées dans l’historiographie traditionnelle : celle des Printemps et Automnes (770 – 476 av J.-C.) et celle des royaumes combattants (475 – 221av J.-C.). Selon le ZHOULI (rite des ZHOU, TIANGUAN PIAN, chapitre sur les offices en rapport avec le ciel), la médecine comportait, au début des ZHOU, quatre spécialités bien identifiées :

    • JIYI, médecine générale.
    • SHIYI, diététique.
    • YANGYI, chirurgie, (en fait le terme peut se traduire littéralement par médecine des ulcères) qui inclut également le traitement des maladies de la peau ainsi que l’orthopédie.
    • SHOUYI, médecine vétérinaire.

Cependant, il est difficile de dater précisément l’origine de cette division en spécialités car il est probable que le ZHOULI n’ait pas été rédigé sous les ZHOU mais beaucoup plus tardivement, probablement au début des HAN et qu’il ait été conçu comme une sorte de représentation rétrospective idéale de l’organisation sociale des ZHOU. Si aucun traité médical de cette époque n’a été conservé, des références à la médecine et à la pharmacopée apparaissent dans le plus ancien recueil de poème de la Chine, le SHIJING (Classique des poèmes), sorte d’anthologie de textes rédigés entre le XIè et le VIè siècle av.J.-C. on y trouve par exemple, plusieurs dizaines de citations contenant des noms de plantes médicinales, sans toutefois que leur usage thérapeutique ne soit explicitement mentionné. Les premières références à la théorie du QI, terme au champ sémantique très étendu allant de l’idée de gaz ou de vapeur à celui d’énergie ou de principe vital, en passant par des connotations physiologiques, morales, ou climatiques, sont très anciennes, toutes les significations de ce terme n’apparaissent évidemment pas en même temps. De la même façon, si les termes de YIN et YANG aussi difficile à traduire que QI, correspondent à la division des phénomènes en un principe féminin et masculin, froid et chaud, nocturne et diurne, etc., il n’ont pas initialement de signification médicale. Selon le GUOYU (Discours des états), recueil de textes se rapportant à la période des Printemps et Automnes, BO YANGFU expliquait déjà les tremblements de terre comme une manifestation de l’affrontement du YIN et du YANG, tandis qu’on trouve d’autres modes d’expression de cette dualité dans le YIJING (Classique des Mutations).

Et bien, c’est pas trop…tard! et oui quand même!

L’époque des Royaumes Combattants (453 – 221 av J.-C.) est une période clé durant laquelle la médecine chinoise devient une « médecine savante » à part entière. La plupart des concepts théoriques et des fondements dialectiques sont élaborés à cette époque. Il est probable que la médecine chinoise a emprunté, à cette époque, un certain nombre de principes aux sciences antiques, plus particulièrement à l’astronomie, à la musique et aux mathématiques. Mais c’est dans la philosophie que ce système médical trouve réellement ses fondements, plus particulièrement en ce qui concerne les théories de JINGQI XUESHUO (Doctrine du principe vital essentiel), du YIN YANG et desWUXING (cinq mouvements). Ces théories, systématisées à la médecine à partir de l’époque des Royaumes Combattants auront un très large succès sous les Empire des QIN et des HAN. Selon Gernet (le monde chinois, Paris, 199, page 95), elles semblent avoir particulièrement été cultivées à LINZI (actuel YIDU, province du SHANDONG), capital de QI. Issues de doctrines cosmologiques, d’apports astronomiques et mathématiques, la tradition attribue à ZHOU YAN (vers 305 – 240) leur systèmatisation. Grâce à l’application de ce mode de représentation et de codification de l’univers et de ses phénomènes aux expériences accumulées pendant des siècles, la médeine chinoise acquiert une cohérence interne. Cependant, il faut à nouveau reconnaître que nous possédons peu d’informations détaillées sur les théories et les pratiques de la médecine de cette époque.

Grande année! mais non, pas pour les vendanges!

Au VIè siècle av.J.-C., naissent deux personnages dont la pensée exercera une influence déterminante sur la pensée chinoise, et indirectement sur sa médecine : KONGZI (CONFUCIUS, selon son nom latinisé par les jésuites au XVIIè siècle), fondateur du confucianisme, et LAOZI, auteur présumé du DAODEJING (Classique de la Voie et de sa Vertu) et fondateur emblématique du TAOÏSME.

(une page leur sera dédiée dans ce site évidemment)

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Idéogramme calligraphié à l’encre de Chine: fagot de riz sous le couvercle d’une marmite dont les volutes de vapeur s’échappent en haut, deux formes/sources de l’énergie: matérielle et vaporeuse

 

Cette période est également marquée par l’existence d’un des premiers grands noms de la médecine chinoise : QIN YUEREN (env.407 – 310 av.J.-C.), plus connu sous le nom de BIAN QUE, expert en de nombreux aspects du diagnostic et du traitement, dont SIMA QIAN, dans le SHIJI (Mémoires Historiques), rédigé environ un siècle avant notre ère, retrace la vie émaillée d’anecdoctes et de guérisons spectaculaires. Le HANSHU (Livre des HAN, « YIWENZHI » (Annales des arts et des lettres)), rédigé vers 82, lui attribue deux ouvrages, aujourd’hui disparus : le BIAN QUE NEIJING (Classique interne de BIAN QUE) et le BIAN QUE WAIJING (Classique externe de BIAN QUE). Il a longtemps été considéré comme l’auteur d’un traité de référence, le NANJING (Classique des difficultés) mais celui-ci a été rédigé beaucoup plus tardivement. En fait, les historiens ne s’accordent pas sur la date de création de ce traité.

      1. Dynastie QIN (221-206 av JC) et HAN (206 av JC.- 220)

En 221 av.J.-C., YING ZHENG, roi de QIN, sort vainqueur de nombreux conflits de territoires entre royaumes qui agitaient la Chine depuis plusieurs siècles et devient ainsi le premier empereur, sous le nom de QIN SHI HUANGDI.

(HUANGDI est un titre inspiré des souverains légendaires de la “haute antiquité” chinoise, que le roi de QIN s’attribua, puis qui fut employé pour désigner tous les empereurs chinois. On peut le traduire par “souverain suprême” ou par “empereur”, ce dernier terme ayant été le plus souvent retenu par les occidentaux. Il ne faut pas confondre avec son homonyme HUANGDI, littéralement “empereur jaune”, qui désigne un personnage mythique, patronyme de plusieurs écrits sur la médecine, comme le HUANGDI NEIJING (Classique Interne de l’Empereur Jaune) dont il a été question précédemment.)

Tout en unifiant le territoire, il normalise l’écriture, les poids et mesures et attire auprès de lui un grand nombre de savants, médecins et alchimistes dont les investigations s’orientent essentiellement vers les techniques de longévité et la recherche de l’immortalité. Cependant, son règne autoritaire, influencé par la philosophie légiste de HAN FEI ZI, est marqué par des événements terribles, parmi lesquels on peut mentionner l’autodafé des livres classiques qu’il ordonne en 213 av.J.-C. et l’exécution de 460 lettrés, enterrés vivants, l’année suivante.

Les bibliothèques ne brûlent pas qu’à Alexandrie !

Cependant, les ouvrages de médecine, d’agronomie et de divination sont épargnés. Un grand nombre des ouvrages épargnés n’échapperont malheureusement pas à l’incendie de la bibliothèque impériale, lors de la mise à sac de XIANYANG, en 206 av.J.-C.

La dynastie qui succède aux QIN est divisée en deux périodes: les XI HAN (HAN de l’Ouest) ou HAN antérieurs (206 av.J.-C. -9), et après l’éphémère dynastie XIN, les DONG HAN (HAN de l’Est) ou HAN postérieurs (25 – 220).

L’époque des XI HAN est marquée par le développement de la médecine et de la pharmacopée. C’est probablement au Ier siècle av. J.-C. que fut rédigé le premier traité de matière médicale: le SHENNONG BENCAOJING (Herbier Classique de SHENNONG). Il contient la description de 365 substances classées en trois catégories: les remèdes de rang supérieur (SHANGPIN), fortifiants, sans toxicité, pouvant être consommés à long terme; les remèdes de rang intermédiaire (ZHONGPIN), de faible toxicité ou sans aucune toxicité mais pouvant présenter des effets indésirables lorsqu’on les consomme à long terme, sans motif thérapeutique, utilisés couramment à des fins thérapeutiques ; les remèdes de rang inférieur (XIAPIN), de grande toxicité, employés pendant une courte période, lorsqu’une action puissante est requise. Le plus célèbre des médecins de cette période est CHUNYU YI (215 – 167 av.J.-C.) dont 25 observations cliniques sont consignées dans le SHIJI. Pour chaque patient, la cause supposée de la maladie, les symptômes, les pouls, la prescription et l’évolution sont consignés. Vers la fin des HAN, autour de l’an 200 de notre ère, deux médecins vont apporter une contribution significative : ZHANH ZHONGJING (150 – 219) et HUA TUO ( ? – 208).

Le premier rédige une des œuvres majeures de la médecine chinoise, le SHANGHAN ZABING LUN (traité des attaques du Froid et de diverses maladies). L’ouvrage est perdu, sous sa forme initiale, dès la fin des HAN. Il réapparaît sous la forme des deux principaux traités qui en sont issus et qui ont été reconstitués ou compilés ultérieurement pour atteindre, sous les SONG, la forme que nous connaissons aujourd’hui : le SHANGHAN LUN (Traité des attaques de Froid) et le JINGUI YAOLÜE FANGLUN (Formulaire des prescriptions essentielles du coffre d’or). Leur influence est considérable, notamment dans les domaines de la pharmacopée, appliquée à la médecine interne et à la gynécologie.

Mais l’apport de ZHANG ZHONGJING ne se limite pas à cela. Avant lui, les ouvrages médicaux étaient conçus de deux manières distinctes : d’un côté, il existait des traités, essentiellement théoriques mais sans détails techniques ni applications concrètes ; de l’autre, des manuels de recettes, exclusivement pratiques. ZHANG est le premier auteur à intégrer des explications sur les fondements de son raisonnement, une véritable classification nosographique, avec tous les détails sémiologiques permettant d’opérer un diagnostic différentiel très fin conduisant, dans chaque cas, à une formule de pharmacopée bien précise pour laquelle tous les détails de préparation et d’administration sont énoncés. C’est pour cette raison qu’il est considéré comme le précurseur d’une méthode qui se développera, beaucoup plus tard, jusqu’à occuper une place essentielle dans la pratique contemporaine de la médecine chinoise et qu’on résume en quatre caractères : BIANZHENG LUNZHI (déterminer le traitement selon l’identification du syndrome). Elle consiste à définir la stratégie Thérapeutique (LUNZHI) de la maladie en fonction de l’analyse dialectique des symptômes conduisant à un diagnostic différentiel sous forme de tableaux cliniques précis (BIANZHENG). Cependant, si ZHANG ZHONGJING est un des premiers instigateurs d’un lien dialectique et pratique entre le diagnostic différentiel et le traitement, il n’est pas, à proprement parler le fondateur de BIANZHENG LUNZHI, l’expression n’apparaissant par ailleurs jamais dans son oeuvre. En fait, jusqu’à la fin des TANG, la classification s’opère essentiellement à partir du concept de BING (maladie) et non de ZHENG (syndrome). À partir des SONG, sous l’influence de médecins érudits, dans le prolongement d’une réflexion sur l’étiologie des maladies et dans le cadre d’une sophistication de la médecine, le concept de ZHENG commence à se développer. Mais c’est surtout à la fin des MINGet sous les QING que la classification par syndromes s’affine, plus particulièrement dans les oeuvres de WANG KENTANG (1549 – 1613), ZHANG JIEBIN (1563 – 1640), WANG ANG (1615 – 1699), YE TIANSHI (1690 – 1760), XU DACHUN (1693 – 1771) et LIN PEIQIN (1772 – 1839). Dans la Chine Maoïste des années 1950, la théorie BIANZHENG LUNZHI est développée comme un aspect essentiel de la modernisation scientifique des théories de la médecine chinoise et elle constitue aujourd’hui un aspect majeur du diagnostic et de la nosographie.

HUA TUO, dont nous ne connaissons pas précisément la chronologie, est considéré comme le grand chirurgien de l’époque des HAN. Il développe le principe de l’anesthésie générale, à base de chanvre indien. On lui attribue plusieurs écrits rédigés ultérieurement et de nombreuses opérations spectaculaires (laparotomie, greffes d’organes, résections intestinales…) dont une part revient probablement à la légende. Il est également acupuncteur, instigateur de méthodes d’hydrothérapie et inventeur d’une série d’exercices physiques destinés à l’entretient de la santé, le WUQINXI (jeu des cinq animaux), inspirés des mouvements naturels du tigre, du cerf, de l’ours, du singe et de la grue.

      1. Des Trois Royaumes (220-265) aux dynasties du Nord et du Sud (420 – 589)

Durant cette période, la médecine chinoise se perfectionne dans différentes branches; HUANG FUMI (214 – 282), en rédigeant le ZHENJIU JIAYI JING (ABC Classique d’Acupuncture et de Moxibustion), contribue au développement de l’acupuncture. Il apporte notamment de nombreuses précisions sur le trajet des méridiens et sur la localisation des points, dont il augmente le nombre, par rapport à ceux présents dans le HUANGDI NEIJING.

WANG SHUHE (210-285) rédige le MAIJING (CLASSIQUE DES POULS). Cette compilation, fondée sur le savoir sphygmologique issu d’ouvrages plus anciens, est le premier traité de référence entièrement fondé sur le diagnostic par les pouls dont il précise les méthodes de palpation, l’interprétation et la classification en 24 catégories. Son influence ultérieure est considérable dans toute la littérature chinoise consacrée au diagnostic, et même au-delà des frontières de la Chine puisqu’un traité sur les pouls, fondé sur le texte chinois du MAIJING, sera rédigé en arabe, en 1313, sous le titre de TANKSUQ-NAMEH, par un médecin persan du nom de RASHID-AL DIN FADLALLÂH HAMADANI (1247-1318). Fonctionnaire de l’Académie impériale de médecine, WANG apparaît comme un érudit. On lui attribue, en plus du MAIJING, la première réorganisation du SHANGHANLUN de ZHANG ZHONGJING, ainsi que plusieurs autres ouvrages qui sont en réalité des apocryphes rédigés plus tard.

A cette époque, l’influence taoïste est grandissante. GE HONG (281-341) rédige un remarquable traité d’alchimie, de diététique et de magie, le BAOPUZI (LE MAÎTRE QUI EMBRASSE LA SIMPLICITE), divisé en deux parties: NEIPIAN (CHAPITRE SUR L’INTERNE) et WAIPIAN (CHAPITRE SUR L’EXTERNE). Il est également l’auteur du ZHOUHOU BEIJIFANG (MANUEL DE PRESCRIPTIONS D’URGENCE). L’ouvrage, divisé en 72 chapitres, est conçu comme un formulaire pratique composé de recettes simples, à base d’ingrédients faciles à obtenir, afin de répondre à des situations d’urgence, comme son titre l’indique. L’apport de GE HONG comprend également des méthodes de prévention et de longévité fondées sur le DAOYIN (ensemble de techniques physiques et énergétiques associées à la respiration), la diététique et la pharmacopée. On lui doit également la description de la variole, de la tuberculose, de la peste, de l’hépatite virale, de la lymphangite aiguë et des découvertes utiles dans le domaine de thérapeutique.

TAO HONGJING (452-536), autre maître taoïste, est considéré comme une sorte de génie tant ses compétences et talents furent étendus. Mathématicien, astronome, alchimiste, calligraphe et médecin, il est surtout connu pour sa contribution à la pharmacologie chinoise classique. Il réalise un important travail de collection et de classification par nature, saveur et toxicité des substances médicinales en rédigeant le SHENNONG BENCAOJING JIZHU (COMPILATION ET COMMENTAIRES SUR LA MATIERE MEDICALE DE SHENNONG), et porte à 730 le nombre de drogues répertoriées. TAO complète le ZHOUHOU BEIFANG de GE HONG en rédigeant le ZHOUHOU BAIYIFANG (MANUEL DE PRESCRIPTION D’URGENCE).

      1. Dynasties SUI (589 – 618) et TANG (618 – 907)

Cette époque marque l’avènement d’une sorte d’âge d’or pour la Chine, plus particulièrement au VIIè siècle sous le règne de GAOZONG (650-683). La relative stabilité politique favorise le développement de l’économie, des sciences, des arts et des techniques. Les fonctionnaires étant sélectionnés sur concours écrits, l’administration est contrôlée par des lettrés, ce qui génère une émulation intellectuelle dans la jeunesse. L’expansion de l’empire favorise une diffusion sans précédent de la culture chinoise. Le développement de l’administration et du système juridique conduit à l’utilisation régulière des contrats, des fiches d’identité, des empreintes digitales et du papier monnaie.

Autour de 610, un médecin impérial, CHAO YUANFANG (550 ?-630), dirige la rédaction du premier traité d’étiologie et de symptomatologie, le ZHUBING YUANHOU LUN (TRAITE SUR L’ETIOLOGIE ET LA SEMIOLOGIE DES MALADIES). L’ouvrage comporte 50 JUAN, 1720 entrées regroupées en 67 catégories. Chaque entrée se présente comme une monographie avec les causes, la pathogénésie, les symptômes et quelques orientations thérapeutiques générales. Cet ouvrage, fondé en grande partie sur les textes classiques médicaux antérieurs, exercera une influence importante sur la nosographie.

L’enseignement de la médecine chinoise devient officiel et, à partir de 624, les études sont sanctionnées par des examens d’Etat. En 659, le premier codex pharmaceutique, le XINXIU BENCAO (NOUVELLE MATIERE MEDICALE COMPILE) plus connu sous le nom de TANG BENCAO (MATIERE MEDICALE DES TANG), est rédigé, sur ordre impérial, par SU JING, fonctionnaire de la dynastie TANG, avec l’aide d’une vingtaine de médecins et d’érudits. Les auteurs se sont surtout inspirés du SHENNONG BENCAOJING JIZHU de TAO HONGJING en le complétant de plus d’une centaine de drogues.

Le plus fameux médecin de cette époque est indiscutablement SUN SIMIAO (581-682). Médecin accompli, grand érudit, réputé pour sa sagesse, vivant en ermite toute une partie de sa vie, il refuse les honneurs et les postes élevés qui lui sont offerts successivement par deux empereurs. En 652, il rédige le BEIJI QUANJIN YAOFANG (PRESCRIPTIONS ESSENTIELLES D’URGENCE VALANT MILLE ONCES D’OR). Bien qu’il ne s’agisse pas, à proprement parler, d’un formulaire mais plutôt d’un traité général comprenant divers aspects de la médecine chinoise, de la médecine interne à la pédiatrie, de la diététique à l’acupuncture, il reprend de nombreuses prescriptions anciennes et en propose de nouvelles.

Le deuxième auteur de référence est un haut fonctionnaire des TANG. WANG TAO (env.702-772), après avoir travailler vingt années dans la bibliothèque impériale, compile, en 752, le WAITAI MIYAO (DOCUMENTS CLASSES D’UN FONCTIONNAIRE). Cette somme, qui contient plus de 6000 formules de pharmacopée et décrit 1104 sortes de pathologies, est essentiellement une compilation, souvent précieuse car elle contient des fragments d’œuvres antérieures aujourd’hui disparues. De plus, l’ouvrage montre l’état de la connaissance médicale et pharmacologique de son époque.

Par ailleurs, les exégèses de textes anciens se développent. YANG SHANGSHAN rédige une compilation du NEIJING d’une grande importance historique : le HUANGDI NEIJING TAISU (FONDEMENTS ESSENTIELS DU CLASSIQUE INTERNE DE L’EMPEREUR JAUNE). Vers 762, WANG BING réalise, en s’appuyant sur des versions antérieures aujourd’hui disparues et en complétant personnellement les parties manquantes, une réorganisation du SUWEN, en 24 rouleaux et 81 chapitres, en y ajoutant un commentaire assez conséquent.

Sous les TANG, les échanges avec le Japon, la Corée, l’Inde, la Perse et Byzance prennent une grande importance, ce qui conduit à l’introduction de nombreuses substances exotiques dans la pharmacopée chinoise ainsi qu’aux transferts de savoirs entre ces pays.

      1. Dynastie SONG du Nord (907 – 1127), JIN (1115 – 1234), SONG du Sud (1227 – 1279) et YUAN (1271 – 1367)

De 907 (chute de la dynastie des TANG) jusqu’à 960, la Chine traverse une période de grande instabilité politique, connue sous le nom de “Cinq Dynasties et dix royaumes”, jusqu’à la fondation de la dynastie des SONG par ZHAO KUA NGYIN qui tenta de réunifier le pays, rencontrant de grandes difficultés pour y parvenir et vivant sous la menace de puissants voisins. Durant les SONG du Nord (960-1127), la capitale est située à KAIFENG et la dynastie contrôle à peu près l’ensemble de la Chine. Les SONG du Sud (1127-1279) correspondent à la période où les SONG subissent l’invasion des JÜRCHEN, qui fondent, en 1115, dans le Nord, la dynastie des JIN. La capitale est alors transférée dans le Sud, à HANGZHOU. En 1234, les Mongols, conduits par ÖGÖDEI KHAN, fils de Gengis KHAN, envahissent la chine du Nord renversant les JIN; puis en 1279, sous les ordres de son descendant KUBILAÏ KHAN, qui avait proclamé, en 1271, le début de la dynastie YUAN, ils étendent leur contrôle sur le Sud, en anéantissant les SONG. La Chine est à nouveau unifiée mais la domination des Mongols qui, malgré leur position dominante d’envahisseurs, vont progressivement assimiler la culture chinoise. KUBILAÏ KHAN, lui même, règne sous le nom chinois de SHIZU.

Sous les SONG, on assiste à la fois à une période de développement scientifique et culturel, au début d’une révolution industrielle et à un bouleversement politique marqué par une succession de nombreuses réformes et contre réformes. L’usage de la xylographie, inventée à la fin des TANG, se répand, relayée, vers le milieu du XIe siècle, par la découverte de l’imprimerie à caractère mobiles, favorisant la diffusion des écrits et créant une condition favorable à de grands projets d’édition. Tout d’abord, de nombreux aspects du savoir ancien sont réexaminés et la plupart des textes classiques sont reconstitués, compilés et commentés afin d’être publiés. Ceci explique que les versions de référence, pour de nombreux ouvrages tels que le HUANGDI NEIJING, le SHANGHAN LUN ou le JINGUI YAOLÜE FANGLUN, datent des SONG. Ce travail d’érudition est réalisé sous l’égide du gouvernement impérial par le JIAOZHENG YISHUJU (BUREAU POUR L’EDITION DES OEUVRES MEDICALES REVISEES), fondé en 1057 et dirigé par LIN YI, dans un contexte de réorganisation administrative de la médecine. Les principales réformes portent sur l’enseignement et sur les examens. Les différentes écoles qui s’ouvrent sur l’ensemble du territoire de la Chine dépendent du TAIYIJU (BUREAU IMPERIAL DE LA MEDECINE). Le programme des études est standardisé, comprenant trois degrés avec des examens qui sanctionnent le passage à chaque grade.

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À la même époque, la localisation des méridiens et des points se standardise grâce à la publication de planches d’acupuncture et à la réalisation de TONGREN (HOMME DE BRONZE). C’est WANG WEIYI (987-1067) qui est à l’origine de cette idee originale destinée à faciliter le repérage anatomique et à éliminer les controverses sur la position exacte de chaque point. En 1027, il fait fondre, grâce à un financement impérial, deux statues creuses en bronze, de formes et de dimensions humaines, qui comportaient des petits trous à l’emplacement de 657 points d’acupuncture. Lors des examens, elles sont recouvertes de cire, de telle sorte que les “points”, parfois préalablement remplis d’eau, deviennent invisibles. Le candidat enfonce une aiguilleà l’emplacement, localisé par lui, de tel ou tel point. Si l’aiguille pénètre profondément, sans résistance, et que l’eau s’écoule lorsqu’on la retire, la localisation se révèle correcte. WANG WEIYI publie également des planches dans son TONGREN SHUXUE ZHENJIU TUJING (CLASSIQUE ILLUSTRE D’ACUPUNCTURE ET DE MOXIBUSTION DES POINTS SELON L’HOMME DE BRONZE).

À partir du Xe siècle, la pharmacopée se développe considérablement. De nouvelle matières médicales sont rédigées mais l’époque est surtout marquée par la compilation de grands formulaires. Ainsi, en 992, le TAIPING SHENGHUI FANG (FORMULES DE LA BIENVEILLANTE SAINTETE DE L’ERE TAIPING) est achevé. Il aura fallu 14 années de travail, sous l’autorité impériale et sous la direction de WANG HUAIYIN, pour compiler le formulaire le plus complet qui ait jamais été écrit jusqu’alors: 100 JUAN, 16834 prescriptions réparties en 1670 entrées, ainsi que des explications sur un grand nombre de maladies. Un autre ouvrage, publié un siècle et demi plus tard, exerce une influence importante sur la pratique contemporaine et ultérieure: le TAIPING HUIMIN HEJIJU FANG (FORMULES DE L’OFFICINE DU BON SECOURS DE L’ERE TAIPING), rédigé sous la direction de CHEN SHIWEN en 1151. Bien qu’il ne contienne que 788 formules, il occupe une place importante dans l’histoire de la pharmacologie chinoise car les formules qu’il contient sont d’un usage fréquent et la plupart d’entre Elles sont d’un emploi facile (pilules ou poudres, par exemple). Ces deux ouvrages sont donc complémentaires, associant exhaustivité et commodité pratique.

Différence avec l’occident sur les connaissances du corps humain vivant!

L’anatomie fait des progrès, en partie grâce au développement de la médecine légale, ainsi qu’à la pratique de dissections des cadavres de condamnés à mort. Cependant, son influence sur les théories et les pratiques de la médecine chinoise est très limitée: la plupart des préoccupations des praticiens chinois relèvent des mouvements du QI et du Sang, ainsi que de la physiologie subtile des Viscères, il y a peu d’intérêts à inférer du mort sur le vivant.

Selon le DOUZHEN DINGLUN (PRINCIPES AVERES SUR LA VARIOLE) (1713), la variole est introduite en 1014 par WANG DAN, premier ministre de l’empereur ZHENSONG des SONG. Tous les enfants de WANG étant morts de la variole, à la fin de sa vie, il a un dernier fils qu’il nomme WANG SU. Craignant que celui-ci ne soit à son tour frappé par la maladie, il demande à de nombreux médecins s’ils connaissaient le moyen de prévenir ou de guérir de la variole. L’un d’entre eux lui répond qu’il existe un “maître de médecine” qui vit au mont EMEI, dans la province du SICHUAN. WANG DAN le fait chercher et lui demande s’il peut protéger son fils. Le médecin procède à une inoculation, sans autre précision sur la méthode. Il s’ensuit une réaction assez forte, avec fièvre pendant plusieurs jours, suivie d’une courte convalescence. WANG SU aurait vécu jusqu’à 67 ans. Il est difficile d’estimer la véracité de cette anecdote. Quoi qu’il en soit, même en admettant que la variolisation existe sous les SONG, elle reste une pratique marginale qui ne commencera réellement à être généralisée qu’à partir de la fin des MING.

Cette période est également marquée par l’influence de quatre médecins célèbres, appelés les JINYUAN SIDAJIA (QUATRE GRANDS MAÎTRES (DES EPOQUES) JIN ET YUAN), chacun d’entre eux ayant fondé un courant médical spécifique issu de son interprétation de certains aspects des traités classiques ainsi que de son expérience clinique.

LIU WANSU (1120-1200) développa le principe HUORE LILUN (THEORIE DU FEU ET DE LA CHALEUR) qui repose sur le fait que les agents pathogènes ont tous tendance à se transformer en Feu. Privilégiant l’emploi de remèdes de natures HAN (froide) ou LIANG ( fraîche), il fonda la HANLIANG PAI (ECOLE DU FROID ET DU FRAIS).

ZHANG CONGZHENG (1156-1228), considérant que l’attention doit être portée prioritairement sur XIEQI (QI PATHOGENE) plutôt que sur ZHENGQI (QI CORRECT), ce dernier se restaurant naturellement des que l’agent morbide est évacué, fonde la GONGXIA PAI (ECOLE DE L’ATTAQUE ET DE LA PURGATION), les stratégies drastiques qu’il recommande n’étant peut être pas sans lien avec son passé de médecin militaire. Les trois principales méthodes thérapeutiques qu’il sont la sudorification, la vomification et la purgation.

Témoin des nombreuses famines qui accompagnèrent la mongolisation, durant la dynastie YUAN, LI DONGYUAN (1180-1252) concentre son approche de la pathologie sur l’origine interne des maladies, particulièrement sur l’affaiblissement de la Rate et de l’Estomac qui serait, selon lui, à l’origine de nombreuses maladies incluant des manifestations de chaleur dues au vide de QI, telles que NEISHANG FARE (FIEVRES DUES A DES ATTEINTES INTERNES). LI fait partie de la BUTU PAI (ECOLE DE LA TONIFICATION DE LA TERRE), fondée par son maître ZHANG YUANSU. À l’opposé des méthodes dispersantes de ZHANG CONGZHENG, celle-ci préconise principalement l’usage d’ingrédients de saveur douce et de nature tiède permettant de tonifier le QI de la Rate. Le nom de cette école fait référence aux WUXING (CINQ MOUVEMENTS): la Terre est en relation avec la Rate et l’Estomac dont les fonctions comprennent la réception de la nourriture, son assimilation et sa transformation en énergie.

ZHU DANXI (1281-1358), après avoir intégré les conceptions de ses prédécesseurs, développe une théorie fondée sur sa propre analyse et sur son expérience clinique. Son point de vue étant que le YANG est souvent en excès et le YIN en insuffisance, il suggère comme principe directeur de son système thérapeutique l’enrichissement du YIN et le contrôle du Feu, particulièrement du XIANGHUO (FEU MINISTRE), lié à l’activité fonctionnelle du Foie et des Reins. Il préconise, pour cela, un ajustement du mode de vie impliquant, notamment, alimentation et sexualité. Il est le fondateur de la YANGYIN PAI (ECOLE DE L’ENTRETIEN DU YIN) et l’auteur de plusiieurs ouvrages qui explicitent cette théorie, parmi lesquels on peut citer le GEZHI YU LUN (TRAITES COMPLEMENTAIRES DE RECHERCHES APPRONFONDIES) et le DANXI XINFAN (METHODE ESSENTIELLE DE DANXI).

Ces quatre théories, différentes et complémentaires, eurent une influence considérable sur le développement ultérieur de la médecine chinoise mais elles furent critiquées sous les MING et les QING.

Durant les époques SONG, JIN et YUAN, la médecine se spécialise, ce qui conduit à la publication d’oeuvres portant sur des aspects spécifiques de la pratique clinique. La pédiatrie est marquée par QIAN YI (1035-1117) dont les quarante années d’expérience sont consignées, après sa mort, par son disciple YAN XIAOZHONG dans le XIAO’ER YAOZHENG ZHIJUE (RECETTES CORRECTES POUR DETERMINER LES TRAITEMENTS EN PEDIATRIE), publié en 1119. Dans la même spécialité, on peut également citer LIU FANG (env. 1080-1150) et, au XIIIe siècle, CHEN WENZHONG et YANG SHIYING. Pour la gynécologie et l’obstétrique, YANG ZIJIAN, au XIe siècle, ZHU DUANZHANG, au XIIe siècle, et CHEN ZIMING, au XIIIe, sont les principaux auteurs de référence. Le dernier mérite une place particulière car sa contribution couvre plusieurs spécialités puisqu’il se distingue à la fois en médecine interne, en chirurgie, en dermatologie, en pédiatrie et en gynécologie. CHEN ZIMING achève, en 1237, le FUREN LIANGFANG DAQUAN (COLLECTION COMPLETE DE PRESCRIPTIONS EFFICACES POUR LES FEMMES) dans lequel il aborde non seulement l’étiologie, le diagnostic et le traitement de pathologies gynécologiques mais également des troubles relevant de la sexologie. L’orthopédie se développe grâce à WEI YILIN (env. 1277-1347) qui décrit les méthodes de réduction des fractures, des luxations de l’épaule, du genou et de la hanche et l’usage d’anesthésie à base de substances de la pharmacopée chinoise. Les écrits de WEI mettent en évidence des compétences dans d’autres spécialités telles que l’ophtalmologie, l’odontologie et la gynécologie. En médecine externe, il faut d’abord mentionner l’oeuvre de CHEN ZIMING, médecin cité précédemment pour sa contribution à la gynécologie. Il achève, en 1263, la rédaction du WAIKE JINGYAO (PRINCIPES ESSENTIELS DE MEDECINE EXTERNE), dans lequel il précise les méthodes de diagnostic différentiel, tant locales, par l’examen précis des lésions, que générales, en s’appuyant sur les divisions classiques des symptômes en catégories telles que XUSHI (VIDE/PLENITUDE), HANRE (FROID/CHALEUR). Il développe de nombreuses formules de pharmacopée pour la dermatologie. Le plus important traité de médecine externe est celui qui est rédigé par QI DEZHI, sous la dynastie YUAN: le WAIKE JINGYI (QUINTESCENCE DE LA MEDECINE EXTERNE). Enfin, HU SIHUI, médecin d’origine mongole, rédige, en 1330, un des plus importants traités de diétothérapie, le YINSHAN ZHENGYAO (PRINCIPES DE DIETETIQUE).

Au XIIe siècle, une nouvelle classification s’impose en étiologie: la théorie des trois causes. Elle est développée par CHEN WUZE, en 1174, dans le SANYIN JIYI BINGZHENG FANGLUN (TRAITE DE PATHOLOGIE CONSACRE SPÉCIFIQUEMENT AUX TROIS ÉTIOLOGIES). Elle distingue les causes externes, associées à la pénétration d’un agent pathogène d’origine climatique, les causes internes, liées aux émotions et, enfin, toutes les autres causes (traumatismes, surmenage, parasites, etc.) qui ne sont ni externe ni interne. Cette classification est encore en usage aujourd’hui.

      1. Dynasties MING (1368 – 1644) et QING (1644 – 1911)

Des catastrophes naturelles, des révoltes paysannes et la guere civile contre la domination mongole mettent un terme à la dynastie YUAN. ZHU YANZHANG, figure de proue de a rébellion, s’autoproclame empereur, en 1368, sous le nom de HONGWU; c’est le début de la nouvelle dynastie MING. L’élite confucéenne, mise à l’écart par les mongols, reprend son rôle prédominant dans l’administration et dans l’armée. L’Empereur concentre tous les pouvoirs entre ses mains, il abolit le Secrétariat impérial et le poste de premier ministre qui pourraient tempérer son autorité. Sous les MING, les arts, les Technologies, les expéditions maritimes, font de la Chine le pays au plus haut degré de développement dans le monde.

Le début des MING est marqué par des successeurs de ZHU DANXI comme WANG LÜ (env. 1332-1391) et DAI SIGONG (1323-1405) qui prolongent son oeuvre en développant le traitement des maladies fébriles. Ils sont souvent considérés comme des précurseurs de l’école des WENBING (maladies de la chaleur) qui se développera à la fin des MING et sous les QING.

Cependant, à partir du XVIè siècle, les théories visant à combattre la Chaleur ou à renforcer principalement le YIN furent critiquées et combattues par les adeptes de la WENBU PAI (école du réchauffement et de la tonification). Ceux-ci proposent une nouvelle conception s’inscrivant partiellement dans le prolongement de la méthode de tonification du QI de la Rate, promue par LI DONGYUAN, et s’inspirant, pour d’autres points, du SHANGHANLUN de ZHANG ZHONGJING. Le précurseur de cette lignée est XUE JI (1488-1558), médecin éclectique dont les écrits couvrent les domaines de la médecine interne, de la médecine externe, de la gynécologie, de la traumatologie et même de la stomatologie puisqu’il est l’auteur du plus ancien traité conservé jusqu’à nous sur les maladies de la bouche et des dents. S’appuyant sur les travaux de XUE JI, ZHAO XIANKE(env.1573-1644) développe la théorie du MINGMEN. Ce terme qui signifie littéralement “porte de la vie” ou “porte de la destinée”, désigne un Organe sans forme, localisé entre les deux reins, dont l’activité fonctionnelle est si importante qu’elle est, selon lui, prépondérante sur celle du Cœur, notamment par le fait qu’il contrôle directement le Feu et indirectement l’Eau (c’est à dire le YANG Originel et le Yin Véritable) du corps. Pour ZHAO, il est essentiel de pouvoir agir sur cette polarité, ce qu’il fait notamment à partir de formules de tonification du YIN ou du YANG des Reins.

Parmi les autres médecins à rattacher à la WENBU PAI, on doit mentionner ZHANG JINGYUE (1563-1640) qui, par ailleurs, rédige en 1624 une version du NEIJING réorganisée par sujet, le LEIJING (Classique interne classifié). Ses apports dans les domaines du diagnostic, de la médecine interne, de la gynécologie, de la pédiatrie et de la chirurgie sont présents dans son oeuvre maîtresse, le JINGYUE QUANSHU (Oeuvre intégrale de JINGYUE).

La pharmacopée atteint, sous les MING, un haut degré de développement, avec la rédaction du plus grand formulaire historique, le PUJIFANG (Formules pour tous les usages), compilé notamment sous le patronage de ZHU SU et de TENG HONG. Ce vaste recueil de 426 JUAN, qui comprend 61739 formules, (au secoure!) qui couvre toutes les branches de la pathologie et qui reflète toutes les grandes théories connues à cette époque, est achevé en 1406. Mais le plus célèbre auteur des MING, en matière de pharmacopée, est probablement LI SHIZHEN (1518-1593). Fils d’un médecin accompli, il consacre trente années de sa vie à rédiger, avec l’aide de sa famille, le traité de matière médicale le plus exhaustif de la littérature classique: le BENCAO GANGMU (Compendium général de la matière médicale). Cette oeuvre colossale décrit 1892 ingrédients, contient plus de 1000 illustrations et plus de 10000 formules. Elle est riche de nombreuses informations sur la botanique, la pharmacopée, mais aussi la zoologie, la minéralogie et l’éthnomédecine, et sert encore de référence aux pharmacologues modernes. LI SHI ZHEN a également rédigé une dizaine d’autres ouvrages, dont le célèbre traité sur les pouls: BINHU MAIXUE (etude sur les pouls de BINHU). BINHU est le surnom de LI SHI ZHEN.

Parmi les ouvrages d’acupuncture, la plus importante synthèse est réalisée en 1601 par YANG JIZHOU (1522-1620): le ZHENJIU DACHENG (Grand accomplissement de l’acupuncture et de la moxibustion). Fondé à la fois sur les textes plus anciens et sur l’expérience de son auteur, réédité de nombreuses fois, l’ouvrage reste une référence abondamment citée dans la littérature médicale chinoise contemporaine.

Des conflits avec les Mongols et les Japonais, ainsi qu’une concentration du pouvoir politique entre les mains d’Empereurs qui n’avaient pas les compétences nécessaires pour l’assumer, marquent la fin de la dernière dynastie purement chinoise, les MING. Cele-ci est remplacée par les QING, d’origine mandchoue, qui règneront jusqu’à la proclamation de la république en 1911. Après avoir éliminé les derniers îlots de résistance et assuré leur domination sur l’ensemble du territoire chinois, les Mandchous gouvernent dans la paix et la prospérité jusqu’au début du XIXè siècle, époque où le pouvoir est ébranlé par des difficultés politiques, sociales et économiques, dans un contexte d’explosion démographique, de calamités agricoles et d’insurrections paysannes auxquelles s’ajoutent les pressions commerciales et l’avidité des pays européens. L’époque la plus florissante de la dynastie, correspondant aux règnes des empereurs KANGXI (1662-1722), YONGZHENG (1723-1735) et QIANLONG (1736-1796), est marquée par un important développement intellectuel qui s’exprime, notamment, par de grands travaux encyclopédiques sous le contrôle et avec les moyens de l’état. Dans cette catégorie, on peut mentionner le volumineux GUJIN TUSHU JICHENG YIBU QUANLU (œuvre intégrale de documents et d’écrits écléctiques anciens et modernes relevant de la médecine), publié en 1726, réparti en 520 JUAN et compilé sous la direction de JIANG TINGXI, qui n’est que la partie médicale de la vaste encyclopédie GUJIN TUSHU JICHENG (compilation intégrale de documents et d’écrits anciens et modernes), en 10000 JUAN, de CHEN MENGLEI. Mais la collection la plus importante est le SIKU QUANSHU (collection complète des œuvres réparties en quatre magasins) dont le nom provient de la répartition des écrits en quatre catégories (canonique, historique, philosophique et littéraire) et qui compte, dans ses 79582 JUAN, un grand nombre d’ouvrages médicaux. De 172 à 1782, 360 lettrés et 15000 copistes travaillent à la rédaction de cette somme. C’est à la fin des MING et durant la dynastie des QING que se développe la WENBING PAI (école des maladies de la chaleur) qui marque un tournant majeur dans l’étude de l’étiopathogénie des maladies fébriles et de l’épidémiologie en Chine. Initié par WANG LÜ et DAI SIGONG, cette théorie prend son origine dans la distinction entre SHANGHAN (attaque due au Froid) et WENBING (maladie de la Chaleur). WU YOUKE, YE TIANSHI, WU JUTONG, XUE SHENGBAI et WANG MENGYIN sont les principaux représentants de cette lignée de praticiens des XVIIe et XVIIIe siècle. A la différence du Froid qui pénètre et se transforme en suivant un mode de pénétration à travers les LIUJING (six méridiens, il s’agit en fait de six stades d’évolution de la pathologie), décrit dans le SUWEN et le SHANGHANLUN, la Chaleur évolue à travers les SIFEN (quatre couches : QI défensif, QI, QI nourricier et SANG) et l’Humidité Chaleur à travers les SANJIAO (trois foyers).

A cette époque, les échanges médicaux entre la Chine et l’Europe s’intensifient. En fait, il est plus juste de parler d’importation du savoir médical de la Chine vers l’Occident car, si certains aspects de la médecine chinoise, notamment la connaissance du diagnostic par les pouls, pénètre les milieux savants européens, les apports de la médecine occidentale, comme l’anatomie, intéressent peu les chinois.

Il faut attendre le début du XIXe siècle pour qu’un médecin chinois, en s’appuyant sur l’observation des cadavres abandonnés dans les cimetières ou sur les lieux d’exécution, rectifie certaines opinions sur les structures et les fonctions du corps humain. Ce médecin est WANG QINGREN (1768-1831). Il s’impose comme le réformateur qui s’attache à purifier la médecine chinoise des erreurs et opinions non fondées qu’elle avait accumulées au cours des siècles, surtout en restant attaché à ses principes fondateurs. Il rédige le YILIN GAICUO (correction des erreurs de la forêt de médecine) dans lequel il expose ces ajustements, essentiellement sur l’anatomie et la physiologie, tout en contribuant à la théorie des YUXUE (amas de Sang), pour lesquels il propose des formules de pharmacopée qui sont encore largement employées aujourd’hui.

En Chine, le métissage des deux approches médicales est possible!

L’analyse critique et la remise en question de certaines théories n’est pas seulement le fait de WANG QINGREN. La confrontation avec la médecine occidentale, à partir du XIX e siècle, si elle recueille peu d’intérêt chez la plupart des médecins traditionnalistes, conduit quelques autres à une réflexion d’ensemble sur leurs théories ou à des tentatives de combinaisons des deux systèmes. Cette évolution va s’amplifier tout au long du XXe siècle et conduire à la naissance d’une nouvelle approche de la médecine issue de la rencontre des connaissances traditionnelles et des découvertes générées par la médecine expérimentale.

La médecine chinoise contemporaine

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La révolution de 1911 marque la fin de la dynastie QING. Si, durant la première moitié du XXe siècle, la confrontation entre médecine chinoise et médecine occidentale se confirme, elle ne conduit pas à l’abandon de la première au profit de la seconde. Après une première phase de cohabitation, ce qui aurait pu conduire à une rupture épistémologique au sein des représentations du corps et des conceptions de la santé et de la maladie débouche plutôt sur un phénomène d’intégration progressive des nouvelles données venant de l’occident au corpus médical chinois. La confrontation ne se réalise pas sans que quelques conflits n’apparaissent, d’autant que de jeunes étudiants chinois sont envoyés apprendre la médecine occidentale dans les université étrangères, suivant l’exemple de SUN ZHONGSHAN, plus connu sous le nom de SUN YAT-SEN, (1866-1925), premier président de la république de Chine. Ainsi, en 1929, sous le gouvernement du GUOMING DANG une série de mesures sont imposées contre la médeine traditionnelle chinoise: interdiction de son enseignement, controle des publications, restriction de son exercice. La réaction du public et des associations de praticiens est très forte et , à l’issu d’un grand rassemblement, le 17 mars 1929, à SHANGHAI, 132 associations, réunies en congrès, adressent une pétition au gouvernement pour protester contre ces mesures qui seront en grande partie abolies et le 17 MARS devient le jour de la médecine traditionnelle en CHINE. La cohabitation des deux systèmes médicaux étant admise, il apparaît à un certain nombre de praticiens qu’il n’est plus question d’ignorer la médecine occidentale et qu’une assimilation partielle est possible voire nécessaire.

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Même si les hôpitaux chinois ressemblent désormais à tous les autres, avec leurs couloirs interminables où des patients déambulent, dans une odeur de désinfectant, en poussant leurs potences à perfusion au milieu du va-et-vient incessant des soignants, cela ne signifie pas que la société chinoise s’est convertie à la médecine occidentale.

Alors qu’en Occident la médecine est faite pour combattre la maladie, en Chine, elle a pour but de conserver la santé. C’est pourquoi elle concerne aussi bien les aliments qu’on ingère, la qualité du thé qu’on boit, que les exercices d’assouplissement et de respiration qu’il est nécessaire de pratiquer quotidiennement, de préférence le matin, au milieu d’un parc ou d’un jardin, voire l’orientation du lit dans lequel on dort… La conviction que l’énergie (Qi: souffle) du corps humain est régénérée dès lors qu’il est convenablement traité est en effet l’axiome principal de la médecine chinoise qui obéit davantage à une logique d’entretient et de prévention que de guérison.

Les médecins ont toujours joui d’un grand prestige. Le fait que Sun Yatsen (1866-1925) ait été le premier diplômé de la faculté de médecine occidentale de la Queen’s University de Hong Kong, dont il sortit en 1893 avant d’exercer la médecine pendant quelques mois dans la colonie britannique, a beaucoup contribué à asseoir la crédibilité du discours du père fondateur de la Chine moderne, qui se faisait appeler « docteur ».

Pour autant, l’effondrement de l’Empire et le passage à la République populaire de Chine n’eurent aucun effet sur l’attachement des Chinois à leur médecine, pas plus, d’ailleurs, que le « traité d’amitié et d’assistance mutuelle » signé entre Mao et Staline en 1950, lequel donna lieu à l’envoi de nombreux praticiens chinois dans les facultés de médecine de Moscou, Leningrad ou Vladivostok.

Malgré l’occidentalisation du mode de vie des Chinois, les precriptions de Ge Hong et de Li Shizhen demeurent d’actualité.

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