TAO TE KING, le livre de « la Voie et de la Vertu »expose les grands principes à la base du taoïsme, de l’acupuncture et de toute la civilisation chinoise.

Si dans les anciens textes sur l’acupuncture, il y a sans cesse des références à ce livre canonique qui devient ainsi indispensable pour l’acupuncteur, le Tao Te King  (prononcer approximativement Daodejing), est aussi un voyage dans une compréhension plus grande de l’univers.

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Dans cet article, je vais présenter « le livre de la Voie et de la Vertu » par des citations d’auteurs talentueux, des sinologues respectés et des réflexions de certains de mes professeurs émérites. Je vais habiller certaines phrases de cet ouvrage respectable par des photographies diverses et parfois sans rapport évidents avec le texte. J’y apporterai également des explications et remarques  personnelles, certainement moins brillantes, et par avance, je vous prie de bien vouloir m’en excuser (l’idée étant de vous inviter à chercher plus loin en vous livrant les références des ouvrages cités sans vous assommer d’ennui!) Il n’est pas question ici de discuter sur les 81 pages écrites par Lao Tseu (ou Lao Zi, j’écrirai les deux) mais d’en choisir certaines selon l’humeur et d’essayer, autant que possible, de faire le lien avec la pratique de la médecine chinoise, puisque c’est le thème de ce blog.  Evidemment, l’influence et les champs d’application de cette sagesse millénaire sont bien plus larges. Elle influence encore aujourd’hui la vision chinoise des relations diplomatiques, du commerce, de l’enseignement et de l’art. Vos commentaires seront les bienvenus, mais toutefois, je vous prie de bien vouloir commencer ici à appliquer les préceptes du Tao et de faire preuve d’indulgence à mon égard.

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Photographie de ma grande amie Aude-Marie Tuyet, « Coucher de soleil et vue sur l’île d’Elbe ». S’émerveiller de la beauté de l’Univers, voilà comment naîtune philosophie…

Stephen Mitchell, dans la préface de son « Voyage illustré », (une traduction de cette oeuvre magistrale),  présente le Tao d’une façon éclairée qui me plaît de partager ici avec vous :

« A propos de son auteur, Lao Tseu, il n’y a quasiment rien à dire. Peut-être a-t-il été un contemporain plus âgé de Confucius (551-479 av. J.C.) et a t-il occupé un poste d’archiviste dans l’un des royaumes mineurs de l’époque. Mais toutes les informations qui sont parvenues jusqu’à nous sont peu fiables. Même la signification de son nom est incertaine, les interprétations les plus communes étant « Vieux Maître » ou, de façon plus imagée, « le Vieil Enfant ». Comme un chasseur agile, il n’a pas laissé de trace. Tout ce qu’il nous a laissé est son livre: ce manuel classique de l’art de vivre, écrit dans un style clair et cristallin, rayonnant d’humour, de grâce, de grandeur d’âme et de profonde sagesse : l’une des merveilles du monde.

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Les gens s’imaginent souvent Lao Tseu comme un ermite, vivant sereinement retiré de la société dans quelque cabane au cœur de la montagne, ne recevant jamais de visite, excepté peut être celle du voyageur occasionnel échappé d’une blague des années soixante pour demander : « Quel est le sens de la vie ?  » Mais il est clair, à la lumière de son enseignement, qu’il s’intéressait profondément à la société, si l’on entend par « société » le bien être de nos semblables ; son livre est, entre autres choses, un traité sur l’art de gouverner, que ce soit un pays ou un enfant. Une certaine confusion a pu naître de son insistance sur wei wu wei, littéralement  » faire le non-faire «  ou  » pratiquer le non-agir « , que l’on a considérer comme de la passivité. Rien ne peut être plus éloigné de la vérité.

Un athlète habile peut entrer dans un état de conscience physique dans lequel le bon coup ou le bon mouvement survient de lui-même, sans aucune interférence avec la  volonté consciente. C’est un paradigme pour la non-action, la forme d’action la plus pure et la plus efficace. Le jeu joue le Jeu; le poème écrit le poème; on ne peut séparer le danseur de la danse.

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« De moins en moins as-tu besoin de forcer les choses, jusqu’à ce que finalement tu parviennes à la non-action. Quand rien n’est fait, rien n’est achevé. »

Rien n’est fait car celui qui agit a complètement disparu dans ce qui est fait ; le combustible s’est totalement transformé en flammes. Ce « rien » est, en fait, le tout. Cela arrive lorsque nous faisons confiance à l’intelligence de l’univers de la même manière qu’un athlète ou un danseur fait confiance à l’intelligence supérieure du corps. D’où l’accent mis par Lao Tseu sur la douceur. La douceur est ici l’opposée de la rigidité ; elle est synonyme de souplesse, d’adaptabilité et d’endurance. Tous ceux qui ont vu un maître de taï-chi ou d’aïkido pratiquer le non-agir savent combien cette douceur est puissante.

La figure centrale de Lao Tseu est un homme ou une femme dont la vie est en parfaite harmonie avec la réalité telle qu’elle est. Ce n’est pas un concept, c’est un fait, je l’ai vu. Le Maître a maîtrisé la nature, non pas au sens de la dominer, mais en devenant un avec elle. En s’abandonnant au Tao, en se détachant de tout concept, jugement ou désir, son esprit est devenu naturellement compatissant. Il trouve au plus profond de sa propre expérience les vérités fondamentales de l’art de vivre, qui ne sont paradoxales qu’en surface : plus nous sommes vraiment solitaires, plus notre amour devient présent ; plus claire est notre vision intime de ce qui est au-delà du bien et du mal, plus nous pouvons incarner le bien. Jusqu’à ce que, finalement, il soit capable de dire, en toute humilité : « Je suis le Tao, la Vérité, la Vie. »

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L’enseignement du Tao Te King est moral au sens le plus profond. Sans le fardeau d’un concept de péché, le maître ne voit pas le mal comme une force à laquelle il faut résister mais simplement comme une opacité, un état d’absorption en soi qui est en dissonance avec le fonctionnement universel, de telle sorte que, comme une vitre sale, la lumière ne peut briller au travers. Cette liberté par rapport aux catégories morales lui permet sa grande compassion envers le mauvais et l’égoïste.

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« Ainsi le Maître est disponible pour tous et ne rejette personne. Il est prêt à tirer parti de toutes situations et ne gâche rien. Cela s’appelle incarner la lumière. Qu’est ce qu’un homme bon sinon un exemple pour l’homme mauvais? Qu’est ce qu’un homme mauvais sinon une opportunité pour l’homme bon? Si tu ne comprends pas cela, tu te perdras, aussi intelligent sois tu.

C’est le grand secret. « 

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Lorsque j’ai procédé à cette traduction du Tao Te King en anglais, dans les nombreux chapitres où Lao Tseu décrit le Maître, j’ai employé le pronom « elle » à propos du maître, au moins aussi souvent que « il ». La langue chinoise ne fait pas cette sorte de distinction, car son pronom personnel à la troisième personne est neutre; avec les langues indo-européennes, il faut choisir. Puisque nous sommes tous potentiellement le Maître (puisque le Maître est, essentiellement, nous), il serait injuste et ridicule, pensai-je, de présenter un archétype mâle comme l’on fait, ironiquement, les autres traductions. « Ironiquement » parce que de toutes les grandes religions du monde, l’enseignement de Lao Tseu est de loin le plus féminin. »    Stephen Mitchell, Tao Te King, un voyage illustré, Synchronique Editions

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Cette présentation souligne déjà de nombreux principes sur la façon d’appliquer cette sagesse à la pratique de l’art thérapeutique. Devenir thérapeute sollicite tout  l’être, on le sait à présent. Ajoutons à cette exigence la douceur et l’adaptabilité, la « non-action » et le naturel du geste, la compassion et l’absence de jugement, l’effacement de l’ego et la disponibilité, tout en conservant une grande lucidité et le mode d’emploie  sera pratiquement complet ? Il est des cas où on s’arrête d’exercer pour cause de maladie mais il m’est arrivé de stopper mon activité pour de simples raisons émotionnelles, le temps de rétablir l’équilibre.  Le thérapeute est le référent : le pouls du patient est rapide ou lent par rapport au mien par exemple; qu’adviendrait-il si, incapable de me concentrer, trop contrarié pour être attentif, je traitais tout le monde pour un pouls trop lent ? Ce qui m’évoque  le cas d’un médecin qui a traité tous ses patients le même jour pour des pressions artérielles élevées ! Son tensiomètre affichait en fait une erreur de zéro… C’est la même chose pour moi, il me faut étalonner le cœur avant de commencer.

Heureusement je suis riche d’amis sincères qui veilleront à ce que je ne m’éloigne pas de la Voie. « Celui qui connaît les hommes est avisé. Celui qui se connaît lui même est éclairé » Tao Te King 33.

« Le Dao qu’on peut exprimer par la parole n’est pas le Dao »

Il existe d’innombrables traductions de cette oeuvre canonique et, honnêtement, toutes ne sont pas simples d’accès. Des explications de texte sont souvent les bienvenues. D’autant plus que le DAO se ressent, se vie, plus qu’elle ne s’explique. Et pourtant, il faut bien tenter de définir cette Voie…

Dès le premier chapitre, il est dit: « Le Dao qu’on peut exprimer par la parole n’est pas le Dao immuable, éternel. Le nom qu’on peut Lui donner n’est pas Son nom immuable et éternel. En tant qu’origine du Ciel et de la Terre, Il est sans nom (car éternel). En tant que mère des dix mille êtres, Il a un nom (le Ciel et la Terre peuvent être nommés car ils ne sont pas éternels). C’est pourquoi il faut être continuellement sans désir pour contempler le Dao dans son essence (pour connaître l’esprit éternel il faut se libérer des attachements à ce monde). Si on n’est pas continuellement sans désir on peut contempler le Dao sous une forme limitée (par son empreinte et son reflet dans les êtres et les choses impermanentes du monde manifesté où le Dao s’exprime par l’émission de la lumière dans l’espace et par le déroulement des événements -chance, fortune, destin- dans le temps.) Ces deux perceptions du Dao ont la même origine mais des noms différents. Ensemble, on les appelle Mystères. De mystère en mystère on découvre des mystères encore plus profonds. C’est la porte de toutes les merveilles.

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Soleil et Lune lors d’une éclipse. L’image du Taiji n’est pas loin…

« Chaque être dans l’univers est une expression du Tao. Il jaillit dans l’existence, inconscient, parfait, libre, assume un corps physique, laisse les circonstances le compléter. C’est pourquoi chaque être, spontanément, honore le Tao.

Le Tao donne naissance à tous les êtres, les nourrit, les soutient, prend soin d’eux, les réconforte, les protège, les ramène à lui même, créant sans posséder, agissant sans rien attendre, guidant sans contrôler. C’est pourquoi l’amour du Tao est dans la nature même des choses. »  Tao Te King 51. Traduction de Stephen Mitchell

Une autre traduction propose :

« Le Dao fait naître les êtres. La Vertu nourrit, élève et prend soin des êtres. Les êtres produisent la forme. L’énergie (derrière les apparences) perfectionne et accomplit.C’est pourquoi personne, parmi les dix mille êtres, ne peut pas ne pas honorer le Dao et apprécier la Vertu. L’honneur du Dao et l’appréciation de la Vertu ne viennent pas d’un destin décrété par quelqu’un, mais c’est dans leur nature immuable. C’est pourquoi le Dao fait naître les êtres, les nourrit et prend soin d’eux, les fait croître les éduque, les accomplit, les mûrit, les alimente, les protège. Il leur donne la vie et ne se les approprie pas, il les aide et ne s’appuie pas sur eux, il les fait croître et ne les tue pas. C’est ce qu’on appelle la Vertu profonde et mystérieuse. »  Tao Te King 51. Traduction de Henning Strom.

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On retrouve ici les explications des rapports du Yin et du Yang dans le TAIJI, que j’expliquerai du point de vu médical dans le chapitre dédié aux fondements théoriques de la médecine. Régulièrement au cours de la formation de médecine traditionnelle chinoise ,on retrouve des références au Tao Te King pour imager les stratégies thérapeutiques. Cette stratégie si chère au Chinois, au point qu’elle revêt plus d’importance que la personne qui l’applique.  Puisque le mot stratège signifie « chef d’armée » il est naturel de citer le Tao te King 68 :

« Un bon commandant d’armée ne fait pas la guerre. Celui qui est bon au combat n’est pas coléreux. Celui qui excelle à vaincre un rival ne lutte pas. Celui qui excelle à utiliser les hommes se mets en dessous d’eux. C’est ce qu’on appelle la vertu de ne pas rivaliser. C’est ce qu’on appelle utiliser la force des hommes. C’est ce qu’on appelle s’associer avec le Ciel, le « Taiji » (le Faîte Suprême) des Anciens. »

« Les généraux ont un adage: « plutôt que faire mouvement le premier, mieux vaut attendre et observer. Plutôt que d’avancer d’un pouce, mieux vaut reculer d’un pas. » on appelle cela progresser sans avancer, repousser sans utiliser d’armes. Il n’est pas de plus grand malheur que sous-estimer ton ennemi. Sous-estimer ton ennemi revient à penser qu’il est mauvais. Tu détruis ainsi tes trois trésors et deviens toi-même un ennemi. Quand deux forces s’opposent, la victoire va à celui  a appris à céder. » Tao Te King 69

Un bon commandant d’armée préfère le yin au yang, il obtient la victoire sans faire la guerre. Celui qui est bon au combat donne la priorité au yin. On retrouve ce concept dans les arts martiaux et dans ma pratique du Kendo, il est très difficile de se focaliser sur son souffle et de garder son calme lorsque l’attaque de l’adversaire est imminente. A cet instant, l’ennemi est intérieur et non la menace en face de soi. Dès qu’une ouverture dans la garde de l’adversaire a été construite (préparation du terrain), l’assaut est rapide, fulgurant en un geste fluide, souple, précis car épuré du désir de gagner, de frapper même (plus l’esprit tend vers un objectif, plus il s’en éloigne. Ici s’applique le wei wu wei).

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« Quand on parvient au vide suprême on garde un calme solide » Tao Te King 16 : on ne s’identifie plus avec sa petite personne et avec son corps mais éveillé à son vrai Moi qui est le Dao. Comme le danger et le malheur sont uniquement liés à la petite personne et au corps, on garde un calme solide car tout danger est exclu. Enfin…presque !!

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La bataille se gagne avant l’assaut ! Il en va de même en médecine où la préparation du terrain prévaut.

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Très beau cliché du cérémonial d’ouverture et/ou de fermeture d’une session d’entraînement, l’occasion de calmer le SHEN (les « Esprits » sont le Ciel en nous) et de faire Un avec son cœur .

« Shen Ming », la radiation lumineuse des Esprits: quand les Esprits retrouvent la Vertu naturelle, ils la font briller. La  conduite et le sens de la vie s’illuminent de l’éclat resplendissant de ce qui est spécifiquement céleste en nous: les Esprits. « Les mouvements du cœur » édition DDB, page 59

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Eric et Jo. Très belle photographie qui image bien l’exigence de l’enseignement avec cette attitude en position assise (celle là même du scribe égyptien que j’aime visiter au musée du Louvre) où l’élève absorbe les informations avec ravissement (si, si, Jo exprime bien sa joie sur ce cliché!) L’énergie de la Rate en pleine action !

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J’en profite donc pour remercier au passage mes maîtres d’escrime Eric Dielbod et « Jo » Scaniglia et le club de Kendo « U CHJASSU » (le chemin, la voie) de Pietranera dans le Cap Corse, pour la qualité de leur enseignement, leur sagesse emprunte de bonne humeur et leur patience envers le mauvais élève, mais néanmoins sincère, que je suis.

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Nous avons tous senti ce jour là, une immense émotion devant ces images terribles de la place Tien’ Anmem. Jamais la population aurait imaginé voir l’armée ouvrir le feu sur les étudiants. Arrêter la progression de toute une colonne de chars en se plaçant devant, seul, force le respect et l’admiration. C’est parfois en acceptant de mourir que l’on touche à l’immortalité… Tao Te King 33 : »Celui qui meurt sans être anéanti a la longévité. » Il est éternel comme le Dao.

Ces paroles de Lao Tseu au sujet des chefs militaires s’applique en Chine dans toutes les activités de la société, du commerce à l’éducation, de la politique à l’art.

Quand deux armées à armes égales s’opposent, c’est celle qui a la compassion qui gagne parce que l’amour rend fort et parce qu’elle s’associe avec le Ciel et le Dao: « Aussi quand deux armées à armes égales s’opposent, c’est celle qui a la compassion qui gagne. » Tao Te King, 69. 

Est-il utile de rappeler que cela a été écrit cinq siècles avant J.C. ? Quand on observe la situation géopolitique du XXIème siècle, il est douloureux de constater l’incompréhension et la grande solitude à laquelle on est tous exposés. Il m’apparaît si proche et si loin en même temps. Et pourtant, était-il aussi seul qu’il le disait ? En effet,  que dire de ce Vème siècle avant Jésus Christ si étonnant d’avoir brillé par la présence de tant de grands penseurs ? Voici les dates sur lesquelles achoppe la précision des historiens modernes : Bouddha, VIème ou Vème siècle avant notre ère (naissance inconnue – environ 400); Socrate, né à la fin du Vème siècle (470 à 399); Confucius, qui les précède de peu (551 à 479). Au-delà de cette petite trinité personnelle, il faudrait encore noter, pour compléter cette moisson d’augustes ferments philosophiques, que Platon, Zhuangzi, Aristote, Périclès, Héraclite et sans doute quelques autres que j’oublie, ont tous mis au moins un pied dans le même fameux Vème siècle.

« Lao Zi estime que ses paroles sont très faciles à comprendre, très faciles à pratiquer. Mais dans le monde personne n’et capable de les comprendre, personne n’est capable de les pratiquer. C’est parce que nous sommes tous des hommes de la multitude qui veulent comprendre et pratiquer ce qui convient au petit moi qui s’oppose au Dao et à Sa Vertu. L’enseignement par la parole est inefficace, Lao Zi est bien conscient de cela. Ses paroles viennent du Dao, ses actes sont inspirés par la Vertu (le Christ quelques siècles plus tard apportera la parole de Dieu et manifestera le Saint Esprit). Il se dit ignoré parce que l’homme de la foule ne peut pas s’identifier avec ses paroles et ses actes. Cependant il avoue être compris par quelques personnes rares, et même suivi par certains qui deviennent alors précieux pour l’humanité. Il sait au fond de lui que son enseignement et sa vertu seront répandus comme on modèle le monde. Mais c’est parce qu’il s’habille de vêtements grossiers et cache la richesse dans son sein, c’est parce qu’il ne se met pas en lumière et en avant, qu’il peut étendre au monde entier la richesse et l’éclat de son enseignement ». Explications d’Henning Strom sur le Tao Te King, 70.

Les comportements qui sont l’expression du « petit moi » ne peuvent pas rapprocher du Dao. L’enseignement et la connaissance délivrent et…soignent. Le thérapeute a un rôle d’enseignant, c’est l’évidence. Il est loin le temps où il parlait latin pour impressionner. Ici, la prise de conscience est le centre du débat. Mais les paroles sont traîtres et mal comprises la plupart du temps, quand elles ne sont pas entendues tout simplement.  Encore faut-il que ces paroles soient justes ! Et cela me remémore l’anecdote sur Gandhi et sa quête de vérité : une Mère,  après plusieurs jours de voyage à travers le pays, demande au Mahatma d’expliquer à son fils, diabétique, qu’il ne doit plus consommer de sucre. Gandhi lui dit : »d’accord, revenez dans une quinzaine de jours. » Apres quinze jours et un éprouvant aller-retour, l’enfant, émerveillé, écoute son idole lui dire combien il est important pour sa guérison de ne plus consommer de sucreries. L’enfant semble transfiguré par cette vérité, révélation pourtant déjà énoncée par d’autres à plusieurs reprises sans succès. La mère remercie sincèrement Gandhi pour son temps et se permet quand même de lui reprocher celui qu’il lui a fait perdre avec ces aller-retour. La « grande âme » sourit et explique à la maman, que lui aussi consommait du sucre il y a quinze jours et q’il n’aurait rien pu dire à son enfant.

En thérapie, l’intention prime. Si l’intention est de gagner de l’argent (situation hors sujet), le risque est de faire tout et n’importe quoi pour justifier un salaire alors même qu’il aurait fallu s’abstenir d’intervenir. Si les mots sonnent faux, on perds la confiance en même temps que l’écoute du patient. Cette intention est d’autant plus perceptible lorsque la communication n’est pas verbale soit parce que l’enfant est trop jeune pour parler, soit parce que le patient est d’une autre espèce: un chat, un chien, un cheval ou un aigle ? Je ne l’expliquerai pas ici, mais ces situations exigent une grande justesse d’intention.

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« Princesse« , anglo-arabe, « cheval de tête » extraordinaire au ranch « Caval’en liberté », lac de Padule, route d’Oletta, San Fiurenzu, Corse

Les souvenirs d’enfance me rendent aujourd’hui admiratif de l’intelligence des enfants et de leur don pour sentir ce qui est juste et ce qui est mensonger. Ce « J’ai toujours su » reste un adorable clin d’œil dans mon approche thérapeutique avec les enfants.

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« Celui qui se dresse sur ses pieds ne peut pas se tenir droit. Celui qui se met à califourchon ne peut pas marcher. Celui qui se met en lumière ne brille pas. Celui qui est sûr de lui n’a pas d’éclat. Celui qui se vante n’a pas d’efficacité ni de mérite. Celui qui a pitié de lui-même ne développe pas ses dons et n’évolue pas. Par rapport au Dao on peut le comparer à des excédents de nourriture ou de répétitions de choses superflues et inutiles qui dégoûtent tout le monde. C’est pourquoi l’homme du Dao ne s’attache pas à cela. » Tao Te King 24.

Comment Lao Zi conclue-t-il son oeuvre? Dans le Tao Te King 81 il est dit:

« Les paroles vraies ne sont pas éloquentes; les paroles éloquentes ne sont pas vraies. Les hommes sages n’ont pas besoin de prouver leurs dires; les hommes qui ont besoin de prouver leurs dires ne sont pas sages. Le Maître ne possède rien. Plus il fait pour les autres, plus il est heureux. Plus il donne aux autres, plus il est riche. Le Tao nourrit en ne forçant pas. En ne dominant pas, le Maître dirige. »

« Celui qui se connaît lui même est éclairé » Tao Te King 33. Puisions nous tous rester dans la lumière…

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Photographie d’Anne Laure Tuyet, lumineuse artiste, créatrice de « Luz ».

 

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